L'ultra-trail, cette discipline aux curseurs hors normes

À l'origine de chaque discipline, il y a un pionnier. Pour l'ultra-trail, ce pionnier s'appelle Gordon Ainsleigh, un chiropracteur californien. Au début des années 70, la Western States est une course équestre (Western States Trail Ride). En 1974, Gordy Ainsleigh décide de se présenter sur la ligne de départ sans son cheval, boiteux. Il termine la course en 23 heures et 47 minutes. Un autre coureur l'imite l'année suivante. Ainsi est né l'ultra-trail. La Western States 100-Mile Endurance Run est officiellement créée en 1977. C'est la première course d'ultra-trail au monde. Gordy Ainsleigh a terminé la Western States 100 vingt-deux fois, sa dernière participation date de juin 2007. 

La Western est l'une des quatre majors de l'ultra dans le monde avec la Hardrock 100 (créée en 1992), le Grand Raid de la Réunion (créée en 1994 sous cette appellation) et l'Ultra-trail du Mont-Blanc (depuis 2003). Un demi-siècle a passé depuis le défi de Gordon Ainsleigh. Aujourd'hui, l'ultra est la plus médiatisée des épreuves de trail. C'est la distance de tous les superlatifs. Une distance qui se mérite.

Selon l'International Trail Running Association, une course de trail est une compétition pédestre ouverte à tous, qui se déroule dans un environnement naturel, avec le moins de routes goudronnées possible (20 % maximum). L'ultra-trail est un trail sur une distance d'ultrafond. C'est le plus long format de trail.   

En course à pied sur route, l'ultra-distance commence au-delà du marathon. En trail, la frontière entre le long et l'ultra n'est pas clairement définie. On a coutume de parler de trail long à partir du format maratrail (42 kilomètres) et jusqu'à 80 à 100 kilomètres. Au-delà, on entre dans le monde de l'ultra-trail. 

L'ITRA et la FFA (Fédération Française d'Athlétisme) utilisent la notion de kilomètre-effort pour déterminer les formats en trail. Le kilomètre-effort tient compte du dénivelé de la course. La formule est la suivante : km-effort = distance de la course en kilomètres + (dénivelé positif en mètres/100).  Par exemple, une course de 100 kilomètres et 5 000 mètres de dénivelé positif équivaut à 150 km-effort. 

Pour l'ITRA, les courses au-delà de 115 km-effort sont des ultra-trails. De son côté, la FFA distingue la catégorie XL (155 à 209 km-effort) et la catégorie XXL (210 km-effort et plus). Ainsi, le 90 km du Mont-Blanc (92 kilomètres, 6 330 mètres de dénivelé positif) et la CCC (101 kilomètres, 6 100 mètres de dénivelé positif) font partie de la catégorie XL de la FFA. L'UTMB (171 kilomètres, 10 000 mètres de dénivelé positif) ou la Diagonale des Fous (170 kilomètres, 10 500 mètres de dénivelé positif) font partie de la catégorie XXL. Toutes ces courses sont des ultras.

En France, deux ultras attirent une bonne partie de la lumière. 

C'est l'ultra-trail de référence sur la scène mondiale. Un rendez-vous immanquable dans le calendrier des meilleurs athlètes de la discipline qui rêvent d'imiter Kilian Jornet, François d'Haene (quatre fois vainqueur chacun), Xavier Thévenard (trois fois vainqueur) ou encore Courtney Dauwalter (trois victoires). Aucun autre ultra au monde ne présente une telle densité sur la ligne de départ : en 2024, 50 hommes présentaient un UTMB Index supérieur à 850 et 40 femmes dépassaient les 700 points. 

La particularité du trail est de mélanger athlètes élites et anonymes. Participer aux finales du circuit UTMB à Chamonix est l'objectif ultime de beaucoup de traileur·euses. L'accès au mythe demande de l'organisation, de la persévérance et de la chance. Il faut impérativement posséder au moins un Running Stone pour pouvoir participer au tirage au sort de l'UTMB. On obtient ces Running Stones en participant à des courses des UTMB World Series comme le Trail Alsace Grand Est by UTMB, le Trail du Saint Jacques by UTMB ou le Nice Côte d'Azur by UTMB (pour ceux organisés en France).

La deuxième condition est d'avoir déjà terminé un ultra sur un format 100 kilomètres ou 100 miles (160 kilomètres). Parmi les 7 300 participant·es au dernier tirage au sort, seuls 2 300 ont gagné leur précieux sésame. Si les tous meilleurs réussissent à boucler les 171 kilomètres de l'UTMB en une vingtaine d'heures, le temps imparti pour rallier la ligne d'arrivée à Chamonix est fixé à 46 heures et 30 minutes. 

Petite sœur de l'UTMB, la CCC (Courmayeur-Champex-Chamonix) est la course la plus relevée au monde sur le format 100 kilomètres. On peut considérer cette course de 101 kilomètres et 6 100 mètres de dénivelé positif comme un ultra. Enfin, la technique et sauvage TDS (Traces des Ducs de Savoie) est moins compétitive que l'UTMB mais certainement pas moins difficile avec ses 148 kilomètres et 9 300 mètres de dénivelé positif. Il y a eu 40 % d'abandons sur la TDS en 2024.

Traverser l'Île de la Réunion du sud au nord, de Saint-Pierre à Saint-Denis (165 kilomètres et 10 500 mètres de dénivelé positif) en franchissant les sites les plus spectaculaires de l'île (cirques de Cilaos et de Mafate notamment), c'est l'incroyable défi proposé par la Diagonale des Fous depuis sa création en 1989. 

Plus qu'une course, une aventure, dans un cadre époustouflant. Les terrains sont très techniques, les conditions météorologiques éprouvantes. Ce challenge de l'extrême rassemble chaque année 3 000 participant·es à la fin du mois d'octobre. Le départ est donné le jeudi à 21 heures. Si les meilleurs athlètes mettent un peu plus de 23 heures à terminer la course, les derniers finishers franchissent la ligne d'arrivée le dimanche après-midi après avoir passé trois nuits dehors et près de 66 heures d'effort !

Plus de 80 ultras sont organisés en France. Voici une sélection de quelques courses parmi les plus populaires ou singulières : 

Le Saint-Jacques est décrit par ses organisateurs comme un "ultra-trail intimiste au cœur d'un paysage sauvage et préservé". Près de 700 finishers ont franchi la ligne d'arrivée lors de sa dernière édition en juin 2024. Autres courses estampillées "by UTMB" le Trail Alsace Grand Est (en mai) et le Nice Côte d'Azur (en octobre) comportent chacun deux formats ultra de plus de 100 kilomètres.

Début juillet, les amoureux de l'Île de Beauté et de ses sentiers techniques et pierreux ont rendez-vous au départ du Restonica Trail à Corte. 319 courageux·euses ont bouclé l'Ultra Trail di Corsica en 2024.

Fin mai, à Annecy, la course reine de la MaXi-Race fait le tour du lac d'Annecy en passant par le sommet du Semnoz, le col de la Forclaz, Menthon-Saint-Bernard et le mont Veyrier. Ce "petit" ultra a été remporté en 2024 par Mathieu Blanchard.

Créé en 2008, le Grand Raid des Pyrénées a lieu fin août et est clairement éclipsé par l'UTMB. Le GRP propose deux formats ultra : le Tour des Cirques (127 kilomètres, 7 300 mètres de dénivelé positif) et l'Ultra Tour 160. Ce dernier fait passer les coureur·euses par le Pic du Midi de Bigorre (2 800 mètres), la Mongie et la Réserve nationale du Néouvielle, dans un décor de carte postale.

Cette course très réputée dans le monde du trail fait traverser le massif de Belledonne et ses sentiers pierreux. Le parcours de l'Echappée Belle est réputé pour sa technicité. Il y a deux formats ultra : un 92 kilomètres et 6 670 mètres de dénivelé positif, et le plus grand long de 153 kilomètres.

Le sommet du Jura a beau culminer à seulement 1 720 mètres d'altitude, il y a de quoi s'amuser dans ce massif. Début octobre, deux ultras sont au programme de l'Ultra-Trail des Montagnes du Jura au départ de Métabief : le Franco-Suisse, long de 104 kilomètres (4 400 mètres de dénivelé positif) et l'UTMJ de 180 kilomètres. Retrouve ici quelques échanges de la communauté Campus au sujet de cette épreuve. 

Si le Grand Trail des Templiers (80 kilomètres, 3 500 mètres de dénivelé positif) est la course phare du Festival des Templiers avec son plateau d'élites - Jim Walmsley vainqueur en 2022 et Jonathan Albon en 2023 - l'ultra de la semaine à Millau est l'Endurance Trail. 

Qui dit ultra-trail ne dit pas nécessairement terrain montagneux et montées raides. L'Ultra-Marin Raid Golfe du Morbihan comprend de multiples formats dont le Raid de 108 kilomètres et 800 mètres de dénivelé positif et le Grand Raid de 175 kilomètres. Ces ultras sont très différents des trails de montagne. Ici, les meilleurs courent pendant l'intégralité de la course. Le Grand Raid 2024 a été remporté en 14 heures et 23 minutes, soit une moyenne de 12,1 km/h, contre 8,5 km/h pour le dernier vainqueur de l'UTMB, Vincent Bouillard. 

Conditions météorologiques, altitude moyenne, nombre de ravitaillements, technicité du terrain, longueur de l'épreuve... Beaucoup de paramètres jouent sur la difficulté d'un ultra-trail. La célèbre Hardrock 100, organisée chaque année en juillet dans le Colorado et remportée en 2024 par le Français Ludovic Pommeret, se distingue par son altitude moyenne de 3 400 mètres et ses fortes amplitudes de température. 

La Diagonale des Fous concentre technicité, longueur et conditions climatiques extrêmes (chaleur, humidité...). Pour beaucoup, cette course est plus difficile que l'UTMB et est considérée comme l'un des ultras les plus difficiles au monde. Heureusement, les barrières horaires sont généreuses. Cela peut expliquer le faible pourcentage d'abandons sur la Diag' (26 % en 2024) comparativement à l'UTMB (36 % en 2024), la TDS (40 % en 2024) ou encore au redoutable Ultra Tour du Beaufortain (41 % d'abandons en 2023). 

D'autres épreuves repoussent encore un peu plus loin les limites. Le Tor des Géants en est l'exemple parfait. Car ici, on entre dans un autre monde. Cette "balade" dans la Vallée d'Aoste en Italie est longue de 330 kilomètres et affiche 24 000 mètres de dénivelé positif. Une seule règle pour les participant·es : terminer la course en 150 heures. Malgré sa grande expérience de l'ultra, François d’Haene s'est attaqué avec beaucoup d'humilité à ce monument du trail running qu'il a remporté en septembre 2024 avec un temps canon de 69 heures et 8 minutes.

Que dire ensuite de la Swiss Peaks ? Cet ultra-trail dans les Alpes valaisannes a inauguré un format gargantuesque en 2024 : 660 kilomètres et 49 000 mètres de dénivelé positif. Une course XXL remportée en 81 heures et 35 minutes par le Belge Victor Richard devant deux Français, Sébastien Raichon et Aurélien Sanchez.

On ne s'improvise pas ultra-traileur du jour au lendemain. Il y a beaucoup d'étapes à respecter, de points de passage à valider, avant d'espérer fouler les sentiers de l'UTMB ou de la Diagonale des Fous. Préparer son corps et sa tête à encaisser un effort aussi long demande des années d'entraînement. On conseille généralement d'avoir participé à plusieurs courses d'environ 80 kilomètres dans les deux dernières années avant de s'attaquer à un ultra-trail. Si tu débutes dans le trail, retrouve nos conseils juste ici.

Tu peux également suivre nos plans d'entraînement trail adaptés à ton profil. Ils vont de 10 à 89 km-effort.

C'est un point très important à connaître avant de se lancer dans l'aventure. Préparer un ultra va bousculer ton rythme de vie. L'investissement en temps est considérable, même si ton but n'est pas de performer.

Il est possible de préparer un trail court ou moyen format moyennant un faible volume d'entraînement hebdomadaire. Avec l'ultra, on entre dans une autre dimension. Le volume d'entraînement est très élevé afin de développer ton endurance et d'adapter ton corps à l'effort. Le renforcement musculaire n'est pas une option. Les longues sorties de 6 à 8 heures en montagne sont un prérequis indispensable. Clairement, la préparation d'un ultra n'est pas compatible avec tous les emplois du temps. 

Les capacités physiques ne sont qu'un des facteurs de réussite en ultra-trail. Le mental a aussi une dimension fondamentale dans ta réussite. L'expérience en course est primordiale, pour apprendre à gérer ton effort pendant de longues heures, bien utiliser ton matériel (notamment les bâtons), choisir le bon équipement, apprendre à courir de nuit, bien négocier les ravitaillements. Autre point clé à gérer : l'alimentation. Les troubles gastro-intestinaux sont la première cause d'abandon en ultra-trail. La résistance physique et mentale ne fait pas tout en ultra. Encore faut-il avoir entraîné son système digestif bien en amont de la course. Il faut des années pour maîtriser tous ces paramètres, et bien d'autres encore. C'est ce qui fait la richesse et la complexité de l'ultra.

Impressionnant, éreintant, complètement fou, etc. : les adjectifs ne manquent pas pour qualifier l'ultra-trail. Et si cette discipline fascine autant qu'elle divise, c'est parce qu'elle semble inaccessible au commun des mortels... et à raison, car en ultra, rien n'est jamais gagné d'avance. En ultra, tout peut arriver.