12 min de lecture
Sommaire
Pourquoi les coureur(se)s norvégien(ne)s réussissent-ils(elles) autant ?
⛷ La Norvège, une nation forte en ski de fond et en biathlon
🏃♀️🏃♂️ Une tradition de course de fond
📺 Les frères Ingebrigtsen, ambassadeurs de la méthode norvégienne
👑 Royaume des triathlètes
Qu’est-ce que la méthode norvégienne ?
📅 Aux origines de cette méthode d’entraînement en endurance
🧐 Quels sont les ingrédients du programme d’entraînement qu’est la méthode norvégienne ?
1. Focus sur le seuil dans la méthode norvégienne
2. Contrôle régulier du lactate sanguin
3. Un bon volume hebdomadaire d’entraînements faciles et une période de récupération intelligente
4. Modèle d’intensités pyramidales et modèle d'intensités polarisées
5. Entraînement en altitude et séances sur tapis
Comment fonctionne l’entraînement au double seuil dans la méthode norvégienne ?
❓ Qu’est-ce que le double seuil dans un programme d’entraînement en course à pied ?
💨 Quels types d’intervalles dans le double seuil ?
✅ Quels sont les bénéfices du double seuil de la méthode norvégienne ?
Quels sont les bienfaits et intérêts du 4x4 norvégien ?
🫀 Viser une amélioration du VO2 max et un développement des capacités aérobies
🚙 Le 4x4 Interval training : une séance courte et efficace
Depuis quelques années, on observe une hype grandissante autour de la méthode norvégienne et du fameux double seuil. Tu te poses peut-être des questions sur cette méthode d’entraînement adoptée par des athlètes très performant(e)s. Est-ce vraiment une révolution, un game changer de l’entraînement ? Est-elle adaptée à tous les coureur(se)s ? On va t’aider à y répondre et décrypter ses spécificités.
Pourquoi les coureur(se)s norvégien(ne)s réussissent-ils(elles) autant ?
La Norvège ne compte que 5,5 millions d’habitant(e)s. Pourtant, elle est devenue une nation forte, pas seulement en course à pied, mais dans plusieurs sports d’endurance.
⛷ La Norvège, une nation forte en ski de fond et en biathlon
Historiquement, on assimile la Norvège à ses champion(ne)s de ski de fond ou de biathlon. On pense à Bjørn Dæhlie, 12 fois médaillé aux JO, ou à Espen Harald Bjerke, autre skieur de fond multimédaillé. Ces athlètes avaient développé des capacités aérobies exceptionnelles. Leurs VO2 max (consommation maximale d’oxygène) atteignaient 95 millilitres par minute par kilogramme. C'est plus que la valeur mesurée chez Kilian Jornet (92), pourtant une référence en la matière !
🏃♀️🏃♂️ Une tradition de course de fond
La Norvège possède également une longue tradition en course de fond. Chez les féminines, on peut citer Grete Waitz, victorieuse à neuf reprises sur le marathon de New York, première femme sous les 2 heures 30, et Ingrid Kristiansen, ancienne détentrice du record du monde du 5 000 mètres et du 10 000 mètres, et l’une des meilleures marathoniennes de sa génération (record en 2 heures et 21 minutes).
Chez les hommes, Sondre Nordstad Moen a été le premier Européen de l’histoire à passer sous les 2 heures 6 minutes sur marathon. Il détient tous les records de Norvège du 15 kilomètres jusqu’au marathon, et a signé la deuxième meilleure performance européenne de tous les temps sur semi (59 minutes et 48 secondes). Cet athlète a pratiqué le double seuil à ses débuts.
📺 Les frères Ingebrigtsen, ambassadeurs de la méthode norvégienne
Bien sûr, on ne peut évoquer la Norvège sans citer la famille Ingebrigtsen. La méthode norvégienne a été popularisée grâce aux succès des trois frères, Henrik, Filip, et Jakob, entraînés par leur père Gjert. Tous les trois ont été champions d’Europe du 1 500 mètres. Jakob Ingebrigtsen, le benjamin de la fratrie, est double champion olympique, double champion du monde et détient plusieurs records du monde sur des distances allant du 1 500 mètres au 3 000 mètres. Cette famille est extrêmement populaire en Norvège. Une série TV, Team Ingebrigtsen, a suivi son quotidien pendant cinq saisons. Le père, Gjert, est un autodidacte qui s’est inspiré des méthodologies d’entraînement d’Ørjan Madsen, un ancien nageur norvégien, et de Markus Bakken (voir plus loin).
👑 Royaume des triathlètes
Les préceptes d’Ørjan Madsen, un ancien nageur olympique, ont influencé le monde du triathlon. La Norvège est devenue une nation phare de ce sport. Ses figures de proue sont Kristian Blummenfelt, champion du monde et champion olympique, et Gustav Iden, champion du monde d’Ironman. L’entraîneur de l’équipe olympique norvégienne, Arid Tveiten, préconise les entraînements au seuil avec un contrôle strict des taux de lactates. Pour Kristian Blummenfelt, la Norvège est l’une des nations leaders en termes de sciences appliquées à l’entraînement sportif, ce qui explique ses succès.
Qu’est-ce que la méthode norvégienne ?
Sans grande surprise, la méthode norvégienne vient de… 🥁 Norvège ! On t’explique en quoi celle-ci consiste.
📅 Aux origines de cette méthode d’entraînement en endurance
La méthode norvégienne telle qu’on la connaît aujourd’hui dans le monde de la course à pied a été élaborée il y a deux décennies par Marius Bakken, un demi-fondeur norvégien de niveau international. Bakken a conseillé Gjert Ingebrigtsen, quand ce dernier a commencé à entraîner son fils aîné, Henrik.
Le postulat de base de Bakken est que le facteur limitant pour la plupart des coureur(se)s jusqu’au 10 km est le seuil anaérobie (ou seuil lactique). Pour lui, la vitesse spécifique de course est toujours limitée par les capacités aérobies, la principale étant la capacité à courir à une vitesse maximale au seuil anaérobie. Ainsi, on obtient de meilleures performances en optimisant le seuil anaérobie et en ne travaillant la vitesse spécifique qu’à l’approche des compétitions.
🧐 Quels sont les ingrédients du programme d’entraînement qu’est la méthode norvégienne ?
La méthode norvégienne est très structurée et demande une grande discipline. Le volume global d’entraînement est élevé, avec peu de variations pendant l’année. Le respect des intensités est fondamental.
1. Focus sur le seuil dans la méthode norvégienne
Pendant une grande partie de l’année, l’accent est mis sur l’entraînement au seuil, plus précisément en dessous du seuil anaérobie.
Ce type d’entraînement génère moins de stress musculaire et tendineux par rapport à un entraînement à haute intensité. Il a été démontré qu’un effort 10 % supérieur à la zone de seuil fatigue quatre ou cinq fois plus vite qu’un exercice dans la zone de seuil. De cette façon, les temps de récupération sont moindres et on peut plus facilement enchaîner les entraînements.
Dans la pratique, on limite les entraînements réalisés à très haute intensité (de type VMA), qui génèrent beaucoup de fatigue et on accumule beaucoup de volume à une intensité d’effort “confortablement difficile”, entre les deux seuils. Le but est d'augmenter le plus possible le seuil anaérobie et ainsi de repousser la dérive du taux de lactates dans le sang. Au sommet de sa carrière, Marius Bakken avait poussé son seuil à 94 % de sa fréquence cardiaque maximale.
Dans la méthode d’entraînement de Bakken reprise par les frères Ingebrigtsen, il y a deux journées de double seuil par semaine (voir plus bas) et une seule séance à haute intensité par semaine, souvent une séance de côtes courtes, qui permet de pousser le cardio. Cette séance a un intérêt neuro-musculaire, en termes de puissance et de maintien de VO2 max.
2. Contrôle régulier du lactate sanguin
Plus on s’éloigne du seuil lactique, plus le lactate s’accumule rapidement dans le sang, plus vite on s’épuise. Dans la méthode norvégienne, on veut s’assurer qu’il n’y a pas de dérive en restant toujours sous le seuil lactique. Cela passe par un monitoring précis des séances. En plus de la fréquence cardiaque, on contrôle très régulièrement le niveau de lactate sanguin.
Pour Marius Bakken, ce taux doit rester entre 2,3 et 3,0 mmol/l pendant les séances de seuil, soit en deçà de la valeur théorique de 4.0 mmol/l au seuil. De cette façon, on peut cumuler d’énormes quantités d’entraînement proche du seuil sans s’épuiser. Lors des séances à haute intensité, la lactatémie atteint 5 à 8 mmol/l.
La procédure de mesure du taux de lactate est contraignante et coûteuse. En effet, il faut s’équiper d’un lactatomètre (entre 300 et 400 €), prélever une goutte de sang et utiliser une bandelette (entre 2 et 3 € la bandelette) lors de chaque test. Tu comprends que ce type de mesure est réservé à une certaine catégorie d'athlètes qui visent la haute performance. Ensuite, il faut savoir interpréter les résultats en sachant que les valeurs de lactatémie sont propres à chaque athlète.
3. Un bon volume hebdomadaire d’entraînements faciles et une période de récupération intelligente
Il n’y a pas d’assimilation de l’entraînement sans une bonne récupération. Dans la méthode norvégienne, on accumule beaucoup de footings courus à très basse intensité. Là encore, le monitoring est important. Pour s’assurer de bien récupérer, il faut rester en dessous de 70 % de sa fréquence cardiaque maximale et sous la barre des 1.0 mmol/l de lactates.
La récupération entre les entraînements est essentielle, tout spécialement lors de journées de double seuil.
Chaque journée de double seuil est suivie d’une journée facile. Dans la périodisation, on respecte généralement un cycle de deux semaines de charge suivies d’une semaine allégée.
4. Modèle d’intensités pyramidales et modèle d'intensités polarisées
On peut distinguer deux grands modèles d’entraînement en course à pied, le modèle pyramidal et le modèle polarisé. Dans les deux cas, il y a une grosse base d’endurance fondamentale, autour de 80 % du volume global. Dans le modèle polarisé, on s’entraîne très peu à des intensités moyennes (5 %) — on parle de zone grise — et on privilégie les hautes intensités au-dessus du seuil anaérobie (15-20 %). C’est le contraire dans le modèle pyramidal. La méthode norvégienne adopte très clairement le modèle pyramidal, en accumulant jusqu’à 25 % du kilométrage total autour du seuil. Puis, elle adopte un modèle plus polarisé, à l’approche des compétitions. Cette approche est logique pour des demi-fondeur(se)s qui s’entraînent à leur allure de course, du 1 500 mètres au 5 000 mètres. Elle a moins de sens si tu prépares un semi-marathon ou un marathon.
5. Entraînement en altitude et séances sur tapis
La méthode norvégienne encourage à s’entraîner en altitude plusieurs fois dans l’année. L’un des avantages de l’altitude est de générer plus d’adaptations physiologiques à des vitesses moins élevées, et donc de générer moins de stress mécanique. Marius Bakken note qu’il est particulièrement intéressant de s’entraîner en altitude pour les coureur(se)s sujet(te)s aux blessures.
Il préconise aussi les séances sur tapis de course afin de standardiser au maximum les entraînements. Sur un tapis, on contrôle sa vitesse, la surface, les conditions météorologiques. De cette manière, on peut examiner facilement son taux de lactates et sa fréquence cardiaque sans perturbations extérieures et comparer ces valeurs d’une séance à l’autre.
Comment fonctionne l’entraînement au double seuil dans la méthode norvégienne ?
Le fameux double seuil est l’une des marques de fabrique de la méthode norvégienne. De quoi s’agit-il exactement et quel est l’intérêt de cet entraînement ?
❓ Qu’est-ce que le double seuil dans un programme d’entraînement en course à pied ?
Le double seuil consiste tout simplement à réaliser deux séances d’intervalles autour du seuil dans la même journée.
Marius Bakken a expérimenté plusieurs techniques afin de cumuler le plus de seuil possible dans la semaine. Pour lui, cette stratégie de double seuil utilisée deux fois par semaine est celle qui présente le plus de bénéfices et produit les meilleurs résultats. Comme on l’a vu, l’objectif est de capitaliser un gros volume d’entraînement de qualité et d’enchaîner les séances sans créer de surfatigue.
On privilégie les intervalles au seuil plutôt que des séances de seuil en continu. Les temps de récupération entre chaque intervalle, même courts, permettent de mieux recycler le lactate.
💨 Quels types d’intervalles dans le double seuil ?
On ne répète pas le même entraînement le matin et l’après-midi. Il n’y a pas de règle précise. La seule consigne est de ne pas réaliser le même type d'intervalles le matin et l'après-midi.
Pour sa part, Bakken plaçait des intervalles longs le matin, du type 5 x 6 minutes suivies d’une minute de récupération, ou 5 x 2 kilomètres suivis d’une minute de récupération, à une intensité assez éloignée du seuil, vers l’allure marathon.
L'après-midi ou le soir, les intervalles sont plus courts et légèrement plus rapides/intenses. Par exemple, 10 x 1 000 mètres suivis d’une minute de récupération, ou 25 x 400 mètres suivis de 30 secondes de récupération.
Il faut contrôler précisément les niveaux de lactates pour s'assurer de rester dans les bonnes zones physiologiques.
✅ Quels sont les bénéfices du double seuil de la méthode norvégienne ?
Avec la méthode norvégienne et le double seuil, on a jusqu’à quatre séances de seuil par semaine, plus une séance à haute intensité. On obtient beaucoup plus d’entraînements "de qualité" que dans n’importe quel autre plan d’entraînement.
Cela génère une très forte stimulation du système aérobie. Dans une semaine type (entre 160 et 180 kilomètres), les frères Ingebrigtsen peuvent réaliser entre 40 et 50 kilomètres de qualité.
Avec le double seuil, on introduit un quatrième paramètre dans l’entraînement, en plus de la fréquence, de l’intensité et du volume. C’est la densité ou le fait de rapprocher deux séances intenses. Une pratique courante chez les triathlètes.
Le double seuil a aussi un intérêt en termes de gestion de l’effort. Cela incite à respecter scrupuleusement les allures, pour être sûr(e) d’aller au bout de la journée.
Quels sont les bienfaits et intérêts du 4x4 norvégien ?
Non, le 4x4 norvégien n’est pas un véhicule... C’est la dénomination d’un protocole de fractionné utilisé dans de nombreux sports d’endurance comme le vélo ou le trail.
🫀 Viser une amélioration du VO2 max et un développement des capacités aérobies
Pour améliorer sa consommation maximale d’oxygène (VO2 max), il faut tout simplement passer du temps à l’entraînement à haute intensité. Or, il existe une notion de cinétique de VO2 max. On l’a abordé dans nos articles sur la VMA et le VO2 max. Pour résumer, il faut un certain temps avant d'atteindre un haut pourcentage de VO2 max. Différentes études indiquent que les séances les plus efficaces pour stresser le VO2 max et générer le plus d'adaptations sont celles de VMA longues. Le 4x4 norvégien entre dans cette catégorie.
🚙 Le 4x4 Interval training : une séance courte et efficace
La séance est simple. Réalise 4 répétitions de 4 minutes courues entre 90 et 95 % de ta VMA — on est un peu au-dessus de l’allure 5 kilomètres — avec trois ou quatre minutes de récupération active entre chaque répétition. Le temps de récupération est important. On veut éviter que le lactate ne s’accumule au fur et à mesure de la séance.
Cette séance est facile à mettre en place et offre l'avantage d'être rapide, entre 45 et 50 minutes au total, échauffement et retour au calme compris. Toutefois, elle est exigeante et inadaptée aux débutant(e)s. Il faut déjà bien se connaître et avoir un bon niveau pour réussir à maintenir une haute intensité pendant quatre minutes. Le 4x4 trouvera sa place à la fin d'un cycle de développement de la VMA/VO2 max en alternance avec des séances d'intervalles plus courts.
Tu l’as compris, la méthode norvégienne s’adresse essentiellement à des athlètes très expérimenté(e)s, déjà habitué(e)s à l’entraînement bi-quotidien et cumulant beaucoup de kilomètres par semaine. Elle demande une extrême rigueur, sans parler de son coût financier non-négligeable pour effectuer les tests de lactates.
La méthode a fait ses preuves chez les demi-fondeur(se)s. En revanche, sa pertinence reste à démontrer pour la préparation de plus longues distances telles que le semi-marathon ou le marathon.
Si elle est inadaptée à ton profil et à celui de 99 % des pratiquant(e)s, tu peux néanmoins retenir quelques principes intéressants :
Il est important de garder le contrôle lors de tes séances d’intensité. Réserve ton 100 % pour le jour de la course.
Sans possibilité de mesurer ton taux de lactate pendant tes entraînements Campus au seuil 60 ou au seuil 30, tu peux te fier à ton ressenti d’effort (essaie de ne pas dépasser 7 ou 8 sur 10) et à ta fréquence cardiaque (pas plus de 87 % de ta FC max).
Enfin, retiens la philosophie la plus importante appliquée par cette méthode : c’est l’enchaînement régulier des séances qui amène la progression et pas une séance en particulier.
Antoine
partager