Records marathon : quels sont les chronos les plus fous ?

Ces dernières années, les performances se sont emballées sur la distance reine de 42,195 kilomètres. On a vu le premier homme casser la barre des deux heures. On a assisté à plusieurs records du monde du marathon, mais aussi à des records olympiques. Retour sur les records les plus fous du marathon. 

Courir un marathon en moins de deux heures ? Un rêve fou, longtemps jugé inaccessible. Il fallait un champion d’exception et des conditions spéciales pour réussir ce défi. Qui de mieux armé que la légende Eliud Kipchoge ? 

Quand, en 2016, la marque Nike lance le projet Breaking 2, Eliud Kipchoge n’est pas encore recordman du monde du marathon. Mais il est le marathonien le plus régulier de la planète : champion olympique en titre et invaincu sur la distance depuis quatre ans. 

La célèbre marque à la virgule va énormément investir autour de ce projet. Entraînement, nutrition, matériel, aucun détail n’est laissé au hasard. Le 6 mai 2017, la tentative a lieu sur le circuit de Formule 1 de Monza, en Italie.

Kipchoge et deux autres coureurs élite participent à la course. Ils sont accompagnés par une trentaine de lièvres. Kipchoge boucle les 42,195 km en 2 heures et 25 secondes. On est passé tout près de l’exploit. 

Octobre 2019. Depuis sa première tentative, Eliud Kipchoge est devenu recordman du monde du marathon à Berlin, en 2 heures 01 minute et 39 secondes. Le Kényan règne comme jamais sur sa discipline. Il est la pièce maîtresse du Ineos 1:59 Challenge. 

La seconde tentative a lieu à Vienne le 12 octobre 2019 sur un parcours parfaitement plat. Les conditions météo sont idéales. Une voiture précède Kipchoge ainsi que 41 lièvres formant un V et se relayant tout au long du parcours. Cette fois la barrière mythique des deux heures est cassée : 1 heure 59 minutes 40 secondes. 

Compte-tenu des conditions de course particulières, le chrono ne peut pas être homologué mais Kipchoge a marqué l’histoire de l’athlétisme. 

Kelvin Kiptum n’a couru que trois marathons avant d’être fauché en plein vol, à 24 ans, par un accident de la route fatal. Néanmoins, le Kényan a eu le temps de marquer l’histoire à tout jamais. 

Kelvin Kiptum n’a pas encore 20 ans lorsqu’il remporte, en 2019, le semi-marathon du Lion, entre Belfort et Montbéliard, et s’adjuge le record de l’épreuve en 59 minutes et 53 secondes. 

L’athlète kényan sort de nulle part. On ne l’a jamais vu sur la piste, et pour cause, il n’y a pas de piste sur son lieu d’entraînement au Kenya. L’année suivante, il termine sixième du semi de Valencia en 58 minutes et 42 secondes. 

On ne le sait pas encore mais Kiptum s’entraîne déjà pour le marathon. 

En décembre 2022, pour sa première apparition sur la distance reine, à Valencia, il vise un chrono entre 2 heures 04 minutes et 2 heures 05 minutes. Coup de tonnerre, il s’impose en 2 heures 01 minute et 53 secondes, après une fin de course tonitruante (1 heure et 15 secondes sur son deuxième semi). Une étoile est née.

Quatre mois plus tard, il reproduit le même schéma de course pour remporter le marathon de Londres. 1 heure, 01 minute et 40 secondes à mi-parcours, puis 59 minutes 45 secondes sur le deuxième semi ! Kiptum signe le deuxième meilleur chrono de l’histoire, à seulement 16 secondes du maître Kipchoge. 

Son entraîneur révèle alors que Kiptum a effectué trois semaines de plus de 300 kilomètres pour préparer Londres. Son volume hebdomadaire moyen oscille entre 250 et 280 kilomètres. 

8 octobre 2023, marathon de Chicago. Kiptum part plus vite que lors de ses deux premiers marathons (1 heure et 48 secondes). Comme à son habitude, il finit en boulet de canon (59 minutes et 47 secondes) et s’impose en 2 heures et 35 secondes. Le record du monde de Kipchoge est battu de 34 secondes. 

Beaucoup de spécialistes imaginent déjà Kiptum effacer la barre mythique des deux heures, tant l’impression de puissance et de facilité est stupéfiante. L’athlète lui-même envisage de battre son propre record à Rotterdam en avril 2024. 

On se prend à rêver de son futur duel face à la légende Kipchoge aux Jeux Olympiques de Paris. Malheureusement, le 11 février 2024, un accident de la route à Kaptagat (Kenya) lui ôte la vie ainsi que celle de son entraîneur. On gardera l’image d’un athlète hors du commun.

Le record du monde de la Britannique Paula Radcliffe a tenu 17 ans, de 2002 à 2019. Sur les cinq dernières années, ce vieux record a été battu à trois reprises. Les performances se sont envolées chez les femmes. 

Berlin est une terre de records. Pas moins de treize records du monde, hommes et femmes confondus, ont été battus dans la capitale allemande. Le dernier en date est peut-être le plus impressionnant de tous. C’est l'œuvre de Tigst Assefa.

Nous sommes le 24 septembre 2023. L’Éthiopienne a parfaitement préparé son coup. Le marathon de Berlin est l’objectif de la saison de celle qui fut longtemps une spécialiste du 800 mètres. 

Après 10 kilomètres, elle fait partie d’un groupe d’une douzaine de coureuses, exactement dans l’allure du record du monde détenu par Brigid Koskei (passage en 31 minutes 45, soit une allure de 3 minutes 10 au kilomètre). 

Assefa accélère au 16 ème kilomètre et prend le lead. Elle boucle le premier semi-marathon en 1 heure 06 minutes et 20 secondes, puis accélère encore dans la deuxième partie de la course (1h05’33 sur son deuxième semi).

 Le chrono final est stratosphérique : 2 heures 11 minutes et 53 secondes, soit 2 minutes et 11 secondes retranchées au temps de Brigid Koskei. Jamais depuis 40 ans un record du monde, masculin ou féminin, n'avait pris une telle claque. 

Le chrono record de Tigst Assefa aura tenu un peu plus d’un an. Ruth Chepngetich a le record du monde dans le viseur depuis plusieurs années lorsqu’elle se présente au départ du marathon de Chicago le 13 octobre 2024. 

La Kényane est une coureuse très expérimentée sur longue distance. Championne du monde du marathon en 2019, recordwoman du monde du semi-marathon en 2021, elle a déjà gagné à Chicago deux ans plus tôt (2 heures 14 minutes et 18 secondes en 2022, à 14 secondes du record du monde) et a terminé deuxième l’année précédente (2 heures 15 minutes et 37 secondes).  

Chepngetich prend tous les risques. Elle boucle les cinq premiers kilomètres en 15 minutes pile, sur les bases d’un marathon en 2 heures 07 minutes.

À mi-parcours, la fusée kényane compte plus de deux minutes d’avance sur les temps du record du monde (1 heure 04 minutes et 16 secondes). Stratégie dangereuse ? Pas vraiment puisque Chepngetich va conserver un bon rythme jusqu’au bout pour s’imposer en 2 heures 09 minutes et 57 secondes. 

Elle est la première femme de l’histoire sous les 2 heures 10. Chepngetich a couru un marathon à 19,48 kilomètres par heure de moyenne, ou moins de 3 minutes 05 par kilomètre. Phénoménal. 

L’épreuve du marathon des Jeux Olympiques n’est pas propice aux records. En effet, ce sont des courses tactiques et les conditions (parcours, météo) sont rarement réunies pour réaliser des temps canon. Néanmoins, on a assisté à de beaux exploits aux JO de Paris 2024.

Sifan Hassan est née en Éthiopie. Elle est arrivée aux Pays-Bas à l’âge de 15 ans en tant que réfugiée et a été naturalisée néerlandaise à l’âge de 20 ans. 

Cette athlète a tout gagné sur la piste, du 1 500 au 10 000 mètres. Double championne olympique à Tokyo (5 000 et 10 000 mètres), plusieurs fois championne du monde. En avril 2023, elle court son premier marathon à Londres (2 heures 18). Six mois plus tard, elle remporte le marathon de Chicago, en signant le deuxième meilleur temps de l’histoire : 2 heures 13 minutes et 44 secondes.

Aux Jeux Olympiques de Paris, la Néerlandaise tente un défi inédit : tripler 5 000 mètres, 10 000 mètres et marathon ! Du 2 au 9 août, elle dispute deux 5 000 mètres (série et finale), un 10 000 mètres, récoltant deux fois le bronze. Le 11 août, elle se présente au départ du marathon. Sa troisième course de la semaine après avoir disputé deux finales sur la piste. Pourtant, Sifan Hassan va encore trouver l’énergie pour battre Tigst Assefa au sprint, décrocher l’or… et le nouveau record olympique en 2 heures 22 minutes et 55 secondes. Historique. 

Le marathon de Paris 2024 était annoncé comme le plus dur de l’histoire des Jeux Olympiques. Les conditions météorologiques, en plein mois d’août, et l’extrême difficulté du parcours (438 mètres de dénivelé positif) promettaient une belle bagarre entre le maître Eliud Kipchoge et ses concurrents, et d’éventuelles surprises. Un gros chrono était beaucoup moins probable. 

Pourtant l’Ethiopien Tamirat Tola, a réussi un temps incroyable en parvenant à s’imposer en 2 heures 06 minutes et 26 secondes, à moins de trois minutes de son record personnel. Pour six secondes, il devient le nouveau détenteur du record olympique de la distance.

L’évolution du matériel n’est pas étrangère à l’explosion des chronos observée ces dernières années en course en pied. Le projet Breaking2 a marqué l’apparition de la Nike Vaporfly 4%, la première chaussure à plaque carbone. Dans la foulée, tous les marathonien(ne)s de la planète ont adopté ce type de chaussures favorisant la performance. Les records du monde ont été battus trois fois, chez les femmes comme chez les hommes. 

Un deuxième facteur a joué dans l'explosion des performances : les grands marathons mondiaux sont très lucratifs pour les meilleurs athlètes du monde. Une victoire à Boston, Chicago, New York ou Tokyo rapporte au moins 100 000 dollars. Mieux, lors de sa dernière édition, le marathon de Valencia a offert une prime d’un million d’euros en cas de record du monde. La folle dynamique n’est pas près de s’arrêter.